Le XIXe siècle
Le XIXe siècleLe XIXe siècle commence avec un coup d'État : le 18 brumaire de l'an VIII (novembre 1799), Napoléon Bonaparte accède au pouvoir et prend le titre de Premier Consul, puis se fait sacrer empereur en 1804 avec un pouvoir illimité. Commence alors une période marquée par la prééminence de l'autorité impériale sur tous les domaines de la vie intellectuelle et sociale. Parallèlement, Napoléon mène une politique de conquête qui va durer jusqu'à l'échec de la campagne de Russie. L'épisode des Cent-Jours, durant lequel il tente de reprendre le pouvoir, est le dernier soubresaut de cette épopée qui s'achève avec la défaite de Waterloo en 1815. La période de l'Empire laisse derrière elle de solides institutions. L'Université, le Code civil, le franc germinal sont autant d'éléments qui créent les conditions économiques nécessaires à la révolution industrielle.
La coalition des anciens ennemis de la France rétablit la monarchie en imposant un Bourbon, Louis XVIII, à la tête du pays. S'inaugure un régime constitutionnel propre à faire renaître les libertés publiques. Mais, sous le règne de Charles X, l'intransigeance du ministère Polignac suscite le mécontentement. La publication de quatre ordonnances suspendant les libertés de presse, et restreignant le droit de vote, met le feu aux poudres : la révolution de 1830, qui se déroule durant les "Trois Glorieuses", du 27 au 29 juillet 1830, renverse le pouvoir et fait triompher le parti orléaniste. Avec Louis-Philippe, la bourgeoisie dirige la France, mais les revendications républicaines conduisent à des émeutes. À partir de 1846, l'opposition se durcit, et, en 1848, face au refus d'une réforme électorale, Paris se soulève une nouvelle fois au mois de février. La Seconde République est proclamée, mais elle ne résistera pas aux dissensions qui la mine, et, le 2 décembre 1851, Louis Napoléon Bonaparte, élu trois ans plus tôt, dissout l'Assemblée, se fait accorder par un plébiscite le droit d'établir une nouvelle Constitution, réprime les insurrections, et se fait sacrer empereur.
Le Second Empire commence par un régime dictatorial. Mais, à partir des années 1860, son autorité s'affaiblit. La défaite de Sedan (1870) précipite la chute de l'Empire et la Troisième République est proclamée, le 4 septembre 1870. Elle restaure, peu à peu, après l'insurrection de la Commune et sa répression, un régime parlementaire et adopte une série de mesures législatives favorables aux libertés publiques et à l'enseignement.
Les mutations économiques du XIXe siècle transforment profondément la société française. L'industrie, la banque et la finance se structurent. Mais cette croissance est inégalitaire : loin d'enrayer la misère sociale, elle tend même à l'accentuer. La naissance des idées socialistes autour d'hommes comme Fourier ou Proudhon inspire de la crainte à une bourgeoisie qui sent ses intérêts menacés. Une nouvelle classe sociale apparaît : le prolétariat. Les émeutes qui jalonnent le siècle cristallisent leurs aspirations.
La littérature du XIXe siècle est traversée par toutes les tensions, les espoirs, et les déceptions du siècle. Le développement de l'instruction et l'élargissement du public, grâce à de nouveaux moyens de diffusion comme la publication d'épisodes de romans dans les journaux, rendent la littérature accessible à une masse de lecteurs toujours plus importants. Les auteurs peuvent vivre de leurs droits, et l'écriture devient une profession à part entière.
Le principal courant littéraire de la première moitié du XIXe siècle est le romantisme. Influencé par les mouvements d'idées des autres pays européens, le romantisme est un terme assez vague. Ceux qui s'en réclament s'opposent aux règles d'écriture classiques et revalorisent l'imagination, l'émotion, et la sentimentalité. Mais chacun y voit la définition qui sied le mieux à sa personnalité. Toutefois, ce qui les réunit est un sentiment de malaise face à un monde en pleine mutation, où l'Histoire s'accélère et où les valeurs sont devenues instables. La quête d'identité se traduit par un repli sur soi. Cela est particulièrement visible en la poésie : Lamartine, Hugo, Musset ou Nerval expriment, par des émotions extrêmes et opposées, comme l'angoisse et l'extase, ce sentiment paradoxal. Une nouvelle représentation de l'écrivain voit alors le jour. Hugo, par exemple, fait du poète un "mage" devant guider le peuple vers un avenir meilleur. Inversement, la figure du poète paria, incompris, et vivant seul en marge de la société, viendra par la suite nourrir l'imaginaire des poètes tout au long du XIXe siècle.
Car le romantisme inspire les différents courants poétiques de la seconde moitié du XIXe siècle. Qu'ils soient en réaction contre lui, comme le mouvement parnassien avec Leconte de Lisle ou Théophile Gautier, ou, au contraire, dans son sillage, comme la mouvance symboliste de poètes tels que Verlaine, Mallarmé, Rimbaud ou Lautréamont, ces courants restent marqués par cette tendance individualiste. Le Moi est pour le poète le théâtre du monde. Il y puise sa capacité à voir et à dire. Cette écriture du Je donne lieu à de nombreuse innovations formelles pouvant mener à un certain hermétisme. Elle a profondément marqué la littérature, et le surréalisme y trouvera, au siècle suivant, la source de sa légitimité.
Le XIXe siècle est l'âge d'or du genre romanesque. Les romans, inspirés, eux-aussi, des thèmes romantiques, mettent à profit ce traitement du Moi. Les personnages de René de Chateaubriand, qui inaugure la série des héros romantiques, ou d'Adolphe de Benjamin Constant, sont les doubles des auteurs. Avec eux, l'œuvre acquiert une dimension autobiographique où la découverte de l'intériorité renvoie à la totalité du monde. Stendhal appellera cela l'"égotisme" et en illustrera souvent la définition (Journal, Souvenir d'égotisme). Toutefois, les récits peuvent également être des romans d'apprentissage. Rastignac dans le Père Goriot de Balzac, Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, ou Frédéric dans L'Éducation sentimentale de Flaubert, se lancent à l'aventure dans une société dont ils apprennent à reconnaître les signes et le fonctionnement.
Durant la première moitié du XIXe siècle, le romantisme d'écrivains comme Chateaubriand, Stendhal, Balzac, Vigny ou Hugo, qui ont tous connu l'épopée napoléonienne, évolue vers une écriture du désenchantement après l'épisode de la révolution de 1830. Musset, Nerval, Flaubert ou Baudelaire, ne connaissent que les lendemains de l'essor romantique. Leur écriture se fait plus nostalgique, voire mélancolique, comme le résume cette formule de Musset ( en 1836) : "Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux.". Pour cette génération déçue, la société n'est plus orientée vers un avenir meilleur. Au contraire, elle leur apparaît comme un monde vicié de l'intérieur et d'un conformisme écrasant, où l'on ne peut que sombrer dans l'ennui, ce "mal du siècle".
Le "réalisme" des romans de cette période n'est pas uniforme. Chaque écrivain propose une manière de dépeindre la société sans complaisance. Le lecteur est ainsi plongé en plein cœur d'un XIXe siècle, qui diffère radicalement des illusions généreuses et des espoirs que la génération romantique plaçait dans l'avenir. Cette écriture réaliste ouvre la voie aux romans naturalistes, en particulier ceux de Zola, dont la prétention scientifique conduit à traiter le réel comme une pathologie. La grande fresque des Rougon-Macquart dresse ainsi le diagnostic d'une société où la misère et la richesse se côtoient.
Le genre romanesque trouve également, dans l'Histoire, des sujets qui inspireront la toile de fond de certaines œuvres. Ainsi, Alexandre Dumas crée des personnages de fiction qui évoluent au milieu de personnages historiques. Michelet, quant à lui, bien que historien, emprunte au romanesque sa manière de décrire les temps passés. Les formes narratives brèves du conte et de la nouvelle sont, elles, très inspirées par le fantastique et le roman noir anglais. Gautier, Mérimée, Nerval et Maupassant y trouvent leur principale veine d'inspiration.
Le théâtre connaît également, au XIXe siècle, de profonds changements. Dans la préface de Cromwell (1827), Hugo annonce une refonte totale du genre dramatique : dégagé de la forme classique sclérosante, le drame mélange les genres et rompt avec la règle des unités. Le scandale provoqué lors de la première représentation d'Hernani (1830) de Hugo, fait connaître avec fracas cette nouvelle esthétique théâtrale. Enthousiasmé par Shakespeare dont il fit plusieurs traductions, Vigny renouvelle la tragédie avec son Chatterton (1835), pièce inspirée par la vie de ce jeune poète anglais du XVIIIe siècle, qui se suicida. Mais c'est Musset qui apporte au drame l'une des œuvres les plus originales avec son Lorenzaccio (écrit 1834, mais joué pour la première fois 1895), dont le pessimisme condense bien ce que Musset pense de son temps.
Le théâtre de la fin du XIXe siècle est d'une extrême diversité. Une fois le drame romantique passé de mode, la comédie de mœurs prend son essor avec en particulier des vaudevilles comme ceux de Labiche. Motivées par le rire du spectateur, ses pièces recourent à la caricature et au grossissement et annoncent Georges Feydeau. Le théâtre naturaliste, quant à lui, illustré particulièrement par Henri Becque, est plus sombre. Il cherche à atteindre une vérité sociale dans les intrigues qu'il met en scène. À la fin du siècle, le théâtre symboliste se propose de rénover l'art dramatique en tentant de suggérer plutôt que de dire. Maurice Maeterlinck, qui illustre cette nouvelle tendance, influencera Alfred Jarry, puis Antonin Artaud au XXe siècle. Mais parallèlement à cette mode symboliste, alors fréquemment rapprochée des agitations anarchistes, le succès populaire considérable rencontré par une pièce comme Cyrano de Bergerac (1897) d'Edmond Rostand est emblématique de la variété des registres dramatiques qui se côtoient alors. Cette pièce, qui renoue avec le drame hugolien, prouve que le public continue à apprécier la comédie héroïque romantique.
(François- René, vicomte de), 1768-1848
François- René de Chateaubriand a passé sa jeunesse en Bretagne, avant d'entamer une carrière militaire qu'il abandonne en 1791. Il voyage en Amérique durant cinq mois mais, monarchiste, regagne la France après l'arrestation de Louis XVI pour s'engager dans l'armée des princes où il est blessé. Il émigre à Londres en 1793 et y mène une existence misérable. Il se lance dans l'écriture et publie en 1797 un essai historique, puis Atala en 1801, et René l'année suivante. Ces deux œuvres sont des récits romanesques qui, avec le Génie du christianisme, se proposent de restaurer les croyances religieuses combattues durant la Révolution, Chateaubriand ayant retrouvé la foi de son enfance après le double deuil de sa mère et de l'une de ses sœurs. En 1803, il est nommé secrétaire d'ambassade à Rome, puis ministre plénipotentiaire de Napoléon Ier, charge dont il démissionnera peu après, révolté par l'exécution du duc d'Enghien (1804). Il entreprend en 1806 un voyage en Orient qui lui inspire Les Martyrs (1809), nouvelle apologie du christianisme. Il publie le récit de son voyage en 1811 (Itinéraire de Paris à Jérusalem). En 1814, il est nommé par Louis XVIII ministre de l'Intérieur puis pair de France, et passe bientôt dans l'opposition ultraroyaliste. Hostile à la monarchie de Juillet, il quitte définitivement la politique en 1830. À l'occasion de la publication de ses Œuvres complètes, il ajoute des inédits comme Les Natchez, et son Voyage en Amérique, où il se laisse aller à relater des événements qu'il n'a pas vécus. Il fréquente alors le salon de Mme de Récamier, et publie son Essai sur la littérature anglaise en 1836, puis la Vie de Rancé en 1844. Il se retire alors dans une vie studieuse et continue à travailler à sa plus grande œuvre, les Mémoires d'outre-tombe, qui paraîtra peu après sa mort en 1848.
Chateaubriand est le précurseur du romantisme français. Il a été à la fois un spectateur et un acteur durant une période marquée par l'instabilité politique. Son premier écrit, l'Essai sur les révolutions, est une critique à l'égard du fait révolutionnaire. On y sent l'amertume d'un homme qui remet en cause le sens de l'Histoire, et qui refuse de voir dans la Révolution française un événement radicalement nouveau. L'ouvrage est marqué par un ton autobiographique, et les premiers signes d'une inquiétude religieuse s'y donnent à lire. Atala, qui emprunte sa forme au roman exotique, et René, très marqué par le style autobiographique, sont des œuvres de transition. Leur ton lyrique est orienté vers une fin édifiante : l'homme qui a perdu la foi ne parvient plus à assigner un sens à son existence.
Le Génie du christianisme va consacrer ce thème d'inspiration. Mais la mélancolie y est remplacée par une apologie de l'œuvre du christianisme. Chateaubriand ne cherche pas à prouver de façon théologique la toute puissance de la chrétienté. Il s'attache au contraire à en présenter le rayonnement des dogmes, des doctrines, et des arts. Pour cela, il recourt au sentiment plutôt qu'à la raison, à l'imagination plutôt qu'à l'explication, et définit cette esthétique romantique qui marquera toute une génération d'écrivains. La source du sentiment religieux est poétique, elle doit permettre à l'artiste de créer une forme d'expression artistique enracinée dans le christianisme et affranchie de l'imagerie héritée de l'Antiquité païenne. Chateaubriand propose ici un nouvel idéal de création. L'accueil réservé à cette œuvre a bénéficié du renouveau du sentiment religieux maintes fois décrié par les philosophes du XVIIIe siècle.
L'engagement politique de Chateaubriand durant la Restauration le conduit à composer plusieurs ouvrages où il condamne la période de l'Empire, et se montre nostalgique des valeurs monarchistes. Durant la monarchie de Juillet, il écrit également plusieurs études historiques qui révèlent sa sensibilité d'historien.
Dès l'âge de 35 ans, Chateaubriand a songé à écrire ses Mémoires. Il se met à l'œuvre en 1809, et se consacre plus amplement à ce travail à partir de 1830. Ce récit autobiographique, qui paraîtra sous le titre Mémoires d'outre-tombe, connaît de nombreux remaniements. Il est composé de quatre parties qui s'attachent à retracer sa jeunesse, sa carrière littéraire et politique, et le temps de la vieillesse. Son intention y est, selon sa propre formule, d'"expliquer mon inexplicable cœur". Mais ce monument autobiographique n'est pas pour autant une confession, et c'est avec un certain orgueil que Chateaubriand se peint lui-même. Les événements de sa vie y ont pour toile de fond les transformations politiques, la description de grands hommes politiques comme Mirabeau ou Danton, et une période de l'Histoire qu'il contemple avec le regard du "spectateur engagé". La splendeur de l'œuvre doit beaucoup à ce lyrisme poétique qui la mène, dans un dernier temps, à évoquer l'avenir de façon prophétique. À l'image de son auteur, l'écriture de ces Mémoires mêle dignité et mélancolie, imagination et sens de la description. Elle consacre une œuvre novatrice.
Œuvres principales :
• Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution française (1797).
• Atala (1801).
• René (1802).
• Le Génie du christianisme (1802).
• Les Martyrs (1809).
• Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811).
• Œuvres complètes (1826-1831). Elles incluent Les Aventures du dernier Abancérage, Les Natchez, Le Voyage en Amérique.
• Vie de Rancé (1844).
• Les Mémoires d'outre-tombe (publie en feuilletons de1848-1850 dans le journal La Presse, puis en 1948 pour le manuscrit intégral de 1841).
STENDHAL (Henri BEYLE, dit), 1783-1842
Né à Grenoble en 1783 d'un père magistrat, Henri Beyle a une enfance morose. Il entre dans l'armée en 1800, et prend part aux campagnes du Consulat et de l'Empire. Il découvre ainsi l'Italie qui l'émerveille. La chute de l'Empire met fin à sa carrière militaire, et il décide de partir pour Milan où il séjourne de 1814 à 1821. Il publie ses premiers essais, Lettres sur Haydn, Mozart et Métastase en 1814, Histoire de la peinture en Italie en 1817, et, la même année, Rome, Naples et Florence, qui paraît sous le pseudonyme de Stendhal. Inquiété par la police autrichienne qui le soupçonne d'appartenir à la société secrète pro-démocratique des carbonari, il retourne en France et se fixe à Paris jusqu'à 1830. Il fréquente alors les salons et publie en 1822 De l'amour, puis Racine et Shakespeare (1823-1825). En 1827 paraît son premier roman, Armance, qui passe inaperçu. Trois ans plus tard, il publie Le Rouge et le Noir, qui déconcerte et ne remporte aucun succès. Sous la monarchie de Juillet, il est nommé consul de France à Trieste, mais est une nouvelle fois soupçonné par les autorités, et doit prendre poste à Civita Vecchia. Il commence à écrire Lucien Leuwen, roman qui restera inachevé. Il retourne à Paris où il séjourne de 1836 à 1839, et publie les Mémoires d'un touriste, les Chroniques italiennes, puis La Chartreuse de Parme. Ce dernier roman obtient un grand succès d'estime, auprès de Balzac en particulier. Après un dernier séjour en Italie en 1839, où il commence à mettre en œuvre son roman Lamiel, il meurt à Paris d'une apoplexie en 1842. De nombreuses œuvres seront publiées de façon posthume.
Stendhal est, à certains égards, en marge du romantisme français. Par son style volontairement détaché et sec, qu'il s'est plu à comparer à celui du Code civil, il vise l'effet et se place en spectateur des passions de l'âme. En retrait par rapport aux personnages de ses romans, il est fin psychologue. Un essai comme De l'amour, par exemple, détaille tous les sentiments qui composent la passion avec les sept phases de sa naissance, et les quatre sortes d'amour qui peuvent exister. Cette fascination pour le détail psychologique confère aux romans de Stendhal un réalisme très caractéristique. Elle se double d'un intérêt marqué pour l'auto-analyse, car Stendhal fait sien le principe qu'on ne connaît véritablement personne, sinon soi-même. Aussi consacre-t-il une majeure partie de sa production au genre autobiographique. C'est le cas, en particulier, de la Vie de Henry Brulard, de son Journal, de ses Souvenirs d'égotisme, de ses Essais d'autobiographie. L'écriture stendhalienne, que l'on appelle également parfois le "beylisme", mêle ainsi imagination romanesque et vécu personnel jusqu'à ce que les deux se confondent. Sa dimension autobiographique a valeur de projet littéraire à part entière. Pour se dire lui-même, Stendhal se masque aussi bien derrière ses nombreux pseudonymes, que derrière ses personnages romanesques.
Les personnages de ses romans sont marqués par un individualisme prononcé. Ils ont par conséquent toujours quelque chose d'exceptionnel. Julien Sorel, dans Le Rouge et le Noir, canalise sa sensibilité débordante pour parvenir à la gloire et au pouvoir. Mais son ambition le pousse jusqu'au calcul stratégique le plus froid. Fabrice del Dongo, dans La Chartreuse de Parme, est à la recherche du bonheur. Il parvient, grâce à une indifférence aristocratique, à s'élever au dessus des contingences sociales. Plongés dans un univers que Stendhal décrit avec un certaine ironie qui n'est pas sans annoncer Flaubert, ces personnages sont en décalage avec leur temps. De part en part traversés par une énergie qui se déploie parfois en vain, ils peuvent aussi bien lutter contre la force des conventions, que céder au conformisme. Leurs contradictions intérieures les amènent tour à tour à se montrer d'une sincérité irréprochable, puis d'une hypocrisie sans borne. Bref, ils sont à l'image des paradoxes de la société du XIXe siècle. C'est de ce décalage, et de ces nuances, que naît une œuvre dont une grande partie ne fut pas livrée au public, et qui laissa derrière elle des romans inachevés, des nouvelles inédites, des canevas de pièces de théâtre, et des essais d'autobiographies.
Œuvres principales :
• Lettres sur Haydn, Mozart et Métastase (1814).
• Histoire de la peinture en Italie (1817).
• Rome, Naples et Florence (1817).
• Racine et Shakespeare (1823-1825).
• Armance (1827).
• Promenades dans Rome (1829).
• Le Rouge et le Noir (1830).
• Mémoires d'un touriste (1838).
• Chroniques italiennes (1839).
• La Chartreuse de Parme (1839).
• Journal (publication posthume, 1888).
• Lamiel (publication posthume, 1889).
• Souvenirs d'égotisme (publication posthume, 1892).
• Vie de Henry Brulard (publication posthume, 1890).
• Lucien Leuwen (publication posthume, 1927).
LAMARTINE (Alphonse de), 1790-1869
Alphonse de Lamartine est né en 1790 à Mâcon. Il se passionne très tôt pour la poésie. En 1816, il rencontre Madame Julie Charles et s'éprend d'elle. Mais, atteinte de phtisie, elle meurt en 1817. Cette douloureuse déconvenue sentimentale donnera naissance à la figure d'Elvire dans son premier recueil, les Méditations poétiques (1820), qui connaît un succès considérable. Trois ans plus tard, Lamartine publie les Nouvelles Méditations, sans que ce nouveau recueil obtienne autant d'éloges que le premier. De 1825 à 1828, Lamartine est chargé d'affaire à Florence. Ce séjour en Italie fait renaître en lui sa ferveur religieuse. Il publie en 1830 Harmonies poétiques et religieuses où cette nouvelle source d'inspiration apparaît au grand jour. Il fait un voyage en Orient où il perd sa fille. Cette épisode tragique lui inspirera l'un de ses poèmes les plus poignants, Gethsémani.. Après la révolution de 1830, Lamartine se retire de la diplomatie et se présente sans succès aux premières élections législatives. Les préoccupations politiques donnent un ton nouveau à sa poésie. Il est élu député en 1833, mais rechigne à se rattacher à un parti précis. En 1836 et 1838 paraissent deux œuvres importantes : Jocelyn, qui retrace une épopée, et La Chute d'un Ange, épisode qui devait trouver sa place au début de son recueil épique. Mais elles ne rencontrent pas le succès attendu. Il publie un nouveau recueil en 1839, les Recueillements poétiques, dans la même veine que ses Méditations. En 1847, Lamartine entre dans l'opposition, et publie l'Histoire des Girondins. Bien que très engagé, cet ouvrage reçoit un accueil enthousiaste. L'année suivante, Lamartine est nommé ministre des affaires étrangères, et il devient chef du gouvernement provisoire. Mais il subit un échec retentissant aux élections présidentielles, et l'avènement du Second Empire marque la fin de sa carrière politique. Criblé de dettes, Lamartine rédige une multitude d'œuvres en prose, et en particulier des autobiographies comme les Confidences (1849) et les Nouvelles Confidences (1851). Il écrit également un Cours familier de littérature mais, malgré ses efforts, ne parvient à échapper à la misère. Il meurt seul et dans l'indifférence en 1869.
"Lamartine est peut-être le plus grand musicien de la poésie" disait Théophile Gautier à son sujet. Il est vrai que sa poésie apporte à un genre littéraire peu renouvelé au XVIIIe siècle une musicalité nouvelle. En travaillant minutieusement ses vers, Lamartine cherche à atteindre l'expression la plus parfaite de la nuance des sentiments. Ceux-ci résonnent alors comme autant de confidences chantées, et d'émotions éprouvées face à la nature et à l'humanité. Souvent oniriques, c'est-à-dire semblant sortir d'un rêve, les paysages qu'il dépeint dans les Méditations sont d'une imprécision qui incite le lecteur à laisser divaguer son imagination. À cette sentimentalité viennent s'ajouter les préoccupations religieuses de Lamartine qui plongent leurs racines dans son enfance, et son angoisse de la mort. Les poèmes font ainsi alterner les regrets, les doutes, les repentirs, et les élans de sa foi. Les merveilles de la Création, la fuite du temps et la Providence font partie des principaux thèmes que l'on retrouve dans les poèmes des Harmonies poétiques et religieuses. Enfin, la nostalgie d'un passé heureux, d'une enfance qu'il évoque avec attendrissement, vient compléter cette fibre poétique qui annonce le renouveau littéraire de la génération romantique.
Mais Lamartine est également un écrivain préoccupé par la réalité politique et sociale de son temps. L'ardeur de sa sincérité, de ses espérances et de sa générosité, fait de lui un défenseur des idées démocratiques, et un chantre de la liberté. On retrouve ces traits de sa personnalité dans cette "vaste épopée de l'âme" qu'est Jocelyn, ainsi que dans le recueil intitulé Recueillements. Comme pour de nombreux romantiques, la politique est, à ses yeux, le lieu d'action où doivent naître les changements de la société. Mais les échecs qu'il rencontre dans sa vie publique le plongent dans une certaine désillusion, et il ne parviendra pas à s'imposer avec ses œuvres en prose d'inspiration politique, comme il s'est imposé avec sa poésie.
Œuvres principales :
• Méditations poétiques (1820).
• Harmonies poétiques et religieuses (1830).
• Jocelyn (1836).
• La Chute d'un ange (1838).
• Recueillements poétiques(1839).
• Histoire des Girondins (1847).
• Les Confidences (1849).
• Cours familier de littérature (1856-1869).
BALZAC (Honoré de), 1799-1850
Honoré de Balzac est né à Tours en 1799. Il commence ses études au collège oratorien de Vendôme puis part pour Paris. Il entre comme clerc chez un avoué et commence des études de Droit. Mais cette vie ne lui convient pas, et il décide, en 1819, de devenir écrivain. Après plusieurs tentatives infructueuses, il s'associe à un autre auteur, Le Poittevin de l'Égreville, et écrit en collaboration avec lui des romans d'aventure marqués par l'influence de Walter Scott. Il compose également, pour son propre compte, d'autres récits, fantastiques ou sentimentaux, et exerce ainsi son art dans différents domaines, sans pourtant parvenir à se faire connaître. Il se lance alors dans les affaires en participant à l'achat d'une imprimerie, mais, criblé de dettes, il doit liquider son commerce et revient à la littérature. Il publie en 1829 un roman historique, Le Dernier Chouan, puis Physiologie du mariage, et La Peau de chagrin en 1831. Ceux-ci remportent un certain succès. Alors commence une incroyable production littéraire qui aborde tous les domaines : la philosophie, la science, l'histoire, la politique, la société, ou encore la religion. Avec Eugènie Grandet en 1833, et Le Père Goriot en 1834, se révèle l'art du romancier dans la peinture réaliste des mœurs. Balzac découvre également le principe majeur de son œuvre : faire réapparaître les personnages de romans précédents et ainsi, peu à peu, composer un univers social. Il s'éprend de la comtesse polonaise Hanska et lui dédie ses Contes drolatiques, et entretient avec elle une abondante correspondance. En 1835, il compose, entre autres, Le Lys dans la vallée, puis César Birotteau en 1837. À partir de cette date, il songe à réunir tous ses romans en les présentant comme des "Études sociales". Ce n'est que cinq ans plus tard qu'il choisit définitivement pour titre La Comédie humaine. Parallèlement à ce travail immense, Balzac s'essaye également au genre dramatique avec, par exemple, Vautrin, ou La Marâtre, mais sans remporter de succès. Il épouse en 1850 Mme Hanska, mais meurt quelque mois plus tard à Paris.
Avec plus d'une centaine de romans au total, l'œuvre de Balzac est immense. La Comédie humaine a pour cadre la France et d'autres lieux d'Europe. Elle embrasse la période 1789-1850, et présente une galerie de personnages décrits avec une précision zoologique. L'intention de Balzac est de mener à bien une étude de mœurs peignant des scènes de la vie parisienne (Le Père Goriot ou La Cousine Bette), de la vie privée (Le Père Goriot) de la vie de province (Eugènie Grandet, Le Lys dans la vallée), de la vie politique (Un épisode sous la Terreur) et militaire (Les Chouans), ou encore de la vie de campagne (Le Médecin de campagne). L'ensemble de ces romans, ainsi que les deux autres ensembles, plus modestes, que sont les "Études analytiques" (qui comporte La Physiologie du Mariage) et les "Études philosophiques" (où se trouve La Peau de chagrin), aboutissent à une grande fresque réaliste où les personnages semblent acquérir une vie autonome grâce à leurs apparitions répétées. Reprenant à son compte le principe du roman historique, Balzac mêle fiction et réalité historique. Par la précision de ses descriptions, son œuvre est un document historique d'une incroyable richesse, où les intuitions sur le devenir de la société moderne ne manquent pas de surprendre le lecteur d'aujourd'hui.
Parmi les grands thèmes récurrents qui dominent cette œuvre, il y a, en premier lieu, l'argent. Plus encore qu'un thème, l'argent est l'élément central qui permet de comprendre l'origine de toutes les passions dévastatrices. Balzac en fait le cœur des relations des hommes de son temps, et, par conséquent, l'origine des conflits, des intrigues, et des manipulations. L'argent déchaîne les passions des personnages qui se laissent alors mener par une insatiable obsession. Tous les romans de Balzac mettent en relief l'idée que le milieu détermine l'individu. Rastignac n'est au départ qu'un ambitieux, mais, au contact de la réalité, cette ambition devient la raison d'être suprême de son existence. La volonté des personnages acquiert ainsi une grandeur, même lorsqu'elle est animée par des intentions mesquines. Ce sont des types sociaux : financiers, commerçants, bourgeoisie de province, médecins, politiciens ou aventuriers, mais cette caractérisation ne leur fait toutefois jamais perdre de vue leur réalisme. Les rares personnages vertueux sont perdus dans cette jungle où seule importe la force. Leur probité ne leur est d'aucun secours, et ils finissent par nous apparaître comme des êtres faibles, incapables de lutter. Le sentiment amoureux n'est, quant à lui, jamais idéalisé. Il relève, lui aussi, de cette inadéquation entre les aspirations individuelles et la réalité sociale. Balzac nous tend ainsi l'image à la fois sombre et cruelle d'une société dont le fonctionnement est régi par un ordre naturel et implacable.
Œuvres principales :
Quelques romans célèbres de La Comédie humaine :
• Les Chouans (1829).
• La Peau de chagrin (1831).
• Le Colonel Chabert (1832).
• Eugénie Grandet (1833).
• Le Médecin de campagne (1833).
• La Recherche de l'Absolu (1834).
• Le Père Goriot (1834-1835).
• Le Lys dans la vallée (1835).
• César Birotteau (1837).
• Le Curé de village (1838-1839).
• Illusions perdues (1837-1843).
• Splendeurs et Misères des courtisanes (1839).
• La Cousine Bette (1846).
HUGO (Victor), 1802-1885
Victor Hugo est né à Besançon en 1802. Fils d'un général d'Empire, il fait ses études à Paris au lycée Louis-le-Grand et montre rapidement une sensibilité littéraire aiguë. Il fonde avec ses deux frères une revue : Le Conservateur littéraire. En 1822, il publie un recueil de poèmes marqué par l'influence de Chateaubriand et de Lamartine, les Odes et Poésies diverses, que Louis XVIII récompensera en lui accordant une pension. La même année, il épouse Adèle Foucher dont il est épris depuis son enfance. Entre 1826 et 1830, Hugo s'affirme comme chef de file du courant romantique. En 1829, il publie un second recueil, Les Orientales, ainsi qu'un récit, Le Dernier Jour d'un condamné. À l'occasion de la publication de son drame Cromwell (1827), il compose une préface qui sonne comme le manifeste de cette nouvelle école. Mais la pièce est injouable, et il devra attendre la représentation en 1830 d'Hernani, et la célèbre "bataille" qu'elle entraîne entre classiques et romantiques, pour triompher. À partir de 1830, sa production littéraire ne cesse d'augmenter : il publie, en 1831, un roman historique, Notre-Dame de Paris ; quatre recueils de poèmes d'inspiration lyrique dont Les Chants du crépuscule en 1835 ; plusieurs drames dont Lucrèce Borgia en 1833, et Ruy Blas en 1838. Il rencontre la grande passion de sa vie, Juliette Drouet, en 1833. Ils resteront liés jusqu'à la mort de celle-ci en 1883. Il est reçu, après trois échecs, à l'Académie française en 1841. En 1843, il compose un drame épique, Les Burgraves, qui sonne le glas de son théâtre. La même année, sa fille Léopoldine se noie. Cet événement tragique lui inspirera quelques-uns de ses poèmes les plus graves, et qui seront publiés treize ans plus tard dans Les Contemplations. Durant cette même période, Victor Hugo se lance dans la politique. Nommé pair de France en 1845, il est d'abord légitimiste sous la Restauration, avant de se rattacher à la monarchie orléaniste sous Louis-Philippe. Mais, peu après l'élection de Louis-Napoléon, il passe dans l'opposition et devient républicain. En décembre 1851, il s'oppose vivement au coup d'État qui conduit au Second Empire. Il est d'abord contraint de s'exiler puis s'installe volontairement, en 1852, à Jersey, et trois ans plus tard, à Guernesey. Malgré sa grâce, il ne mettra fin à cet exil qu'une fois Napoléon III écarté du pouvoir en 1870, ce qui lui confère une notoriété grandissante. C'est durant cette période qu'il compose ses plus grandes œuvres. En 1853 est publié un recueil de poèmes intitulé Châtiments qui mélange invectives à l'égard de Louis Napoléon, et visions prophétiques. En 1856, il publie Les Contemplations, recueil qui rassemble des poèmes écrits depuis près de vingt et un ans, et qui s'articule en deux parties : "Autrefois" et "Aujourd'hui", et dont le centre est le "Tombeau" de sa fille Léopoldine. Dans la veine d'inspiration épique, Hugo compose La Légende des siècles qui retrace l'ascension de l'Humanité. En 1862, il achève Les Misérables, œuvre d'inspiration sociale et humanitaire, qui rencontre un immense succès et incite Hugo à composer d'autres romans : Les Travailleurs de la mer en 1866, L'Homme qui rit en 1869, et Quatre-vingt-treize en 1874. Après la chute de l'Empire, Hugo retourne à Paris où il reçoit un accueil triomphal. Il est élu député en 1871, puis sénateur en 1876, mais prend de la distance vis-à-vis de la politique. Il compose néanmoins de nouveaux poèmes engagés destinés à compléter La Légende des siècles. Il meurt en 1885, et son corps est transporté au Panthéon.
L'œuvre immense de Victor Hugo frappe par sa puissance créatrice. Dès sa jeunesse, il a pour ambition d'"être Chateaubriand ou rien". Il se passionne pour tous les genres, et n'hésite pas à mettre sa plume au service de ses idées. Cet homme de conviction est d'un orgueil démesuré. Il a donné à ses contemporains l'image d'un homme robuste et infatigable, que sa sculpture par Rodin résume bien. L'importance de la poésie dans son œuvre tient au fait qu'il conçoit ce genre littéraire comme la plus forte expression des possibilités du langage. Le vers donne à voir. Aussi ses poèmes, d'inspirations diverses, ont en commun de créer des images capables d'illustrer ses idées politiques, religieuses, et métaphysiques. Ils peuvent être lyriques, comme dans les Odes et Ballades, ou satiriques comme des les Châtiments, ou épiques dans La Légende des siècles.
Pour Hugo, le poète est un voyant, un prophète et un mage, celui qui ouvre le chemin du progrès. Il sait déchiffrer les signes de la nature, exprimer l'Histoire, et indiquer quel est le sens du devenir. Hugo excelle à faire des analogies entre les êtres de la nature. Ses successeurs salueront en lui le virtuose de l'imagination poétique, qui a su s'affranchir des carcans classiques et mettre "un bonnet rouge au vieux dictionnaire". Ce rôle révolutionnaire accordé au poète va jusqu'à donner naissance à des visions hallucinatoires et cosmiques quand, par exemple à la fin des Contemplations, dans le poème intitulé Ce que dit la Bouche d'Ombre, il donne la parole à ce qui n'est pas.
Hugo cherche également à renouveler le genre dramatique en opposant à la tragédie classique le drame romantique. Ruy Blas illustre parfaitement ce nouveau courant. À l'intrigue sentimentale viennent s'ajouter des éléments comiques. Ce mélange des tons fait cohabiter, dans la même œuvre, le "grotesque" et le "sublime", principe annoncé dans la Préface de Cromwell. Mais le drame hugolien s'achève sur un échec retentissant : celui provoqué par les Les Burgraves.
Les romans de Hugo, quant à eux, s'adressent à un large public. Dès Notre-Dame de Paris, où il recrée l'univers du XVe siècle, il traite de la fatalité qui s'acharne sur les miséreux. Le ton de ses romans devient véritablement social avec Les Misérables. Dans cette œuvre touffue, Jean Valjean incarne le symbole de celui qui est victime de l'injustice des hommes. À l'image du Messie, il lutte pour le rachat de l'humanité. La grandeur christique du personnage de Jean Valjean donne aux Misérables la force des élans humanitaires de Hugo. Cette œuvre populaire continue, aujourd'hui encore, à fasciner le public.
Œuvres principales :
Théatre :
• Cromwell (1827).
• Hernani (1830).
• Lucrèce Borgia (1833).
• Marie Tudor (1833).
• Claude Gueux (1834).
• Ruy Blas (1838).
• Les Burgraves (1843).
Romans, récits et œuvres en prose :
• Notre-Dame de Paris (1831).
• Le Dernier Jour d'un condamné (1829).
• Le Rhin. Letrre à un ami (1842).
• Napoléon-le-Petit (1852).
• Les Misérables (1862).
• William Shakespeare (1864).
• Les Travailleurs de la mer (1866).
• L'homme qui rit (1869).
• Quatre-vingt-treize (1874).
• Choses vues (posthume, 1888).
Poésie :
• Odes et Poésies diverses (1822).
• Odes et Ballades (1826).
• Les Orientales (1829).
• Les Feuilles d'automne (1831).
• Les Chants du crépuscule (1835).
• Les Voix intérieures (1837).
• Les Rayons et les Ombres (1840) ;
• Châtiments (1853).
• Les Contemplations (1856).
• La Légende des siècles (1859-1883).
• Chansons des rues et des bois (1859-1865).
• L'Année terrible (1872).
• L'Art d'être grand-père (1877).
• La Fin de Satan (posthume, 1886)
• Dieu (posthume, 1891).
MUSSET (Alfred de), 1810-1857
Alfred de Musset est né à Paris en 1810. Après des études au lycée Henri IV, il est admis, à l'âge de dix-huit ans, au Cénacle romantique de Charles Nodier où il se distingue par la finesse de son esprit. Ses premiers vers reçoivent un accueil très favorable et l'encourage à publier son premier recueil, Contes d'Espagne et d'Italie, très empreint de romantisme. Il fait une tentative au théâtre en présentant La Nuit Vénitienne à l'Odéon, mais c'est un échec, et il abandonne l'idée de présenter ses pièces au public. Il n'en donnera plus qu'à lire, rassemblées dans un recueil intitulé Un spectacle dans un fauteuil. Il prend ses distances vis-à-vis du romantisme qui devient de plus en plus social et préoccupé de politique, et retrouve ainsi une inspiration poétique plus personnelle. Continuant à écrire des œuvres dramatiques sans songer à les faire jouer, il écrit, en 1833, Les Caprices de Marianne, Fantasio, et surtout Lorenzaccio qu'il publiera l'année suivante (mais qui ne sera représentée qu'à la fin du siècle). Il part à Venise et connaît une déception amoureuse avec George Sand. Très marqué par l'échec de cette liaison, il rentre à Paris en 1834 et compose plusieurs œuvres inspirées par ce qu'il vient de vivre : une pièce tout d'abord, On ne badine pas avec l'amour en 1834, puis son roman autobiographique La Confession d'un enfant du siècle en 1836, et enfin un recueil de poèmes, Les Nuits. Meurtri par des expériences personnelles pénibles, affaibli par l'alcool, Musset sombre peu à peu dans une vie dissolue, et sa production littéraire se raréfie. Néanmoins, il ébauche encore quelques œuvres qui restent sans lendemain. Il meurt prématurément à l'âge de quarante-sept ans.
Musset fait figure d'"enfant terrible" parmi les romantiques. Refusant de reconnaître au poète une mission supérieure, il se place lui-même en marge de ce courant. À l'image de son tempérament solitaire et passionné, naïf et cynique à la fois, il se fixe comme projet d'écriture d'émouvoir en même temps qu'il est ému, et de mettre dans ses œuvres la marque du sentiment véritablement éprouvé. Aussi la forme qu'il emploie est-elle parfois peu travaillée, et les rimes, assez pauvres. C'est ce qui explique sans doute que sa poésie soit méprisée par nombre de ces successeurs, dont les plus illustres sont Baudelaire et Rimbaud qui ne voient en lui que le mondain frivole, ou l'auteur de badinages mélancoliques.
Pourtant, s'il est vrai que Musset recourt souvent, avec assez de désinvolture, aux genres consacrés comme l'épopée ou le poème dramatique, c'est pour des raisons proprement littéraires. En se plaçant en marge, Musset cherche à renouer avec une forme littéraire plus directe et plus franche où le Moi ne se présente plus de façon univoque, mais est traversé par les contradictions. C'est sans doute pourquoi, si sa poésie est souvent contestée, son théâtre ne l'est pas. Le genre dramatique lui permet de tirer parti des contradictions de son style. Musset excelle dans l'art d'associer les tons opposés : le grotesque côtoie l'émotion, et le comique parvient à se marier au tragique sans que l'œuvre perde rien de son intensité lyrique. Les personnages eux-mêmes sont complexes : ils sont versatiles et conjuguent l'aspiration à un idéal de pureté avec l'abandon au vice et au désespoir. Si cette pièce sombre qu'est Lorenzaccio fut longtemps incomprise en raison de ce double ton, on s'accorde aujourd'hui à voir en elle l'un des rares chefs-d'œuvre du théâtre romantique sans doute parce que l'ambiguïté de ce théâtre est également ce qui en fait la modernité.
Œuvres principales :
• Contes d'Espagne et d'Italie (1830).
• Un spectacle dans un fauteuil (La Coupe et les Lèvres, À quoi rêvent les jeunes filles, Namouna), 1832.
• Andrea del Sarto (1833).
• Les Caprices de Marianne (1833).
• Rolla (1833).
• On ne badine pas avec l'amour (1834).
• Lorenzaccio (1834).
• La Confession d'un enfant du siècle (1836).
• Il ne faut jurer de rien (1836).
• Un caprice (1852).
• Les Nuits (1845)
• Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée (1845).
FLAUBERT (Gustave), 1821-1880
Gustave Flaubert, né à Rouen en 1821, grandit dans le cadre de l'Hôtel-Dieu où son père est médecin-chef. Très jeune, il manifeste un goût pour la littérature et est influencé par Hoffmann, Byron, et Gœthe. Alors qu'il est encore adolescent, il tombe amoureux de Mme Schlésinger lors de vacances à Trouville. Il gardera profondément ancré en lui le souvenir de cet amour platonique dont il fait le récit dans un écrit de jeunesse, les Mémoires d'un fou. Alors qu'il fait son Droit à Paris, il est atteint d'une maladie nerveuse qui le conduit à s'isoler dans la propriété de Croisset, près de Rouen. C'est là qu'il va passer la presque totalité de son existence, rompant son isolement par quelques séjours à Paris et de grands voyages. Il fait une première tentative littéraire en composant un roman symbolique, La Tentation de saint Antoine, mais laisse de côté le manuscrit pour entreprendre l'écriture d'un nouveau roman, Madame Bovary, qui paraît en 1856, après 53 mois de labeur. Mais il fait scandale, et Flaubert est poursuivi et échappe de justesse à une condamnation. Il commence en 1858 la rédaction de Salammbô, dont l'ambition est de ressusciter la civilisation carthaginoise disparue. Il fait, entre 1849 et 1850, un voyage en Orient, en Grèce et en Italie, dont il rapportera les matériaux nécessaires pour mener à bien son entreprise. Le roman est publié en 1862, et la critique l'accueille assez favorablement. À partir de 1869, il reprend le projet de L'Éducation sentimentale dont il avait fait une première version alors qu'il était encore étudiant. Publié cinq ans plus tard, ce roman résolument en avance sur son temps, se heurte à l'incompréhension du public. Affecté par cet échec, Flaubert reprend le manuscrit de La Tentation de saint Antoine, et établit une nouvelle version qu'il publie en 1872. Mais, une nouvelle fois, son œuvre déconcerte la critique. Flaubert se lance alors dans la composition de Trois contes, et obtient, cette fois-ci, un accueil enthousiaste. Mais, alors qu'il s'impose en chef de file, il meurt en 1880, laissant derrière lui un roman satirique inachevé, Bouvard et Pécuchet.
Flaubert se situe entre deux courants littéraires, le romantisme et le naturalisme, et son approche de la littérature témoigne de cette position médiane. On parle souvent du réalisme flaubertien, tant il est vrai que sa culture encyclopédique est omniprésente dans ses romans, comme, par exemple, dans Bouvard et Pécuchet. Flaubert ne cesse de se documenter, de consulter les spécialistes lorsqu'il connaît mal un domaine, et de récrire ses textes inlassablement afin d'atteindre le ton le plus impersonnel possible. L'écriture est pour lui un véritable sacerdoce, comme en témoigne le mode de vie monacal qu'il s'impose et qui lui vaut d'être appelé l'"ermite de Croisset". Mais il ne disparaît pas pour autant derrière son souci de réalisme : celui-ci n'est que le point d'appui qui lui permet d'atteindre la beauté et de créer un style novateur. En effet, dans sa Correspondance, la question du style se révèle comme étant au cœur de ses soucis esthétiques et la raison d'être de son acharnement au travail. Flaubert lui confère une importance supérieure et avoue avoir pour ambition de faire une œuvre sur rien, qui ne se tienne que grâce à la force interne de son style.
Cette démarche atypique s'illustre avant tout dans le choix de ses fictions. Au lieu de donner à ses héros une vie qui en fasse des personnages d'exception, Flaubert polarise ses récits sur des êtres appartenant à l'humanité moyenne. Dans L'Éducation sentimentale, Frédéric Moreau est un jeune homme plein de rêves romantiques, mais qui ne va jamais jusqu'au bout de ce qu'il entreprend. Dans Madame Bovary, Emma vit dans la perpétuelle insatisfaction de l'âme idéaliste qui confond ses rêves et la réalité, et qui croit que la vraie vie est ailleurs, dans une autre ville. Ces personnages vont systématiquement au devant de déceptions. Leur cœur est trop grand pour épouser la réalité cruelle, et le ton des romans est, de ce fait, souvent cynique et ironique, ce que le "bovarysme" résume à lui seul.
Flaubert procède souvent de la manière suivante. Il commence par dévoiler le monde à partir du point de vue de ses personnages. Aussi l'univers romanesque, fortement empreint de la subjectivité des personnages, suscite-t-il l'implication du lecteur qui est à même de partager leurs élans. Mais, au détour d'une phrase, Flaubert change tout à coup de point de vue et, par une formule courte et cinglante, vient couper net cet élan. Dès lors, le héros apparaît inextricablement pris dans la banalité et la médiocrité du quotidien. La réalité a toujours le dernier mot. Cette vison pessimiste se propage dans tous les domaines de la réalité. La haine que Flaubert conçoit pour les bourgeois va de pair avec un mépris de la politique et des espoirs de progrès qu'elle suscite en vain. En cela, il appartient bien à cette "génération perdue" d'écrivains qui ne croient plus en aucun salut, si ce n'est celui de l'Art.
Œuvres principales :
• Mémoires d'un fou (1838).
• Madame Bovary (1856).
• Salammbô (1862).
• L'Éducation sentimentale (1869).
• La Tentation de saint Antoine (1874).
• Trois Contes (1877).
• Bouvard et Pécuchet (inachevé, publication posthume, 1881).
BAUDELAIRE (Charles), 1821-1867
Charles Baudelaire est né à Paris en 1821. Après la mort de son père, alors qu'il est âgé de sept ans, sa mère se remarie avec le commandant Aupick. Il déteste son beau-père et gardera toute sa vie une profonde aversion à son égard. D'un tempérament révolté, solitaire et mélancolique, Baudelaire mène, dès 1839, une vie de bohème qui scandalise ses parents. Malgré un voyage à l'île Maurice destiné à le remettre dans le droit chemin, Baudelaire reprend son train de vie et, ayant obtenu sa part de l'héritage paternel, se fait dandy, dilapide son argent, fréquente les milieux littéraires, et se lie avec Jeanne Duval. Mais, en 1844, ses parents obtiennent une mainmise sur ses finances et il doit travailler pour vivre. Il écrit des critiques d'art et publie le compte rendu des salons de 1845 et de 1846, puis traduit les contes d'Edgar Poe. Il travaille à ses Fleurs du mal, qui paraissent en 1857. Mais ce recueil ne reçoit qu'un accueil mitigé de la part des critiques, et lui vaut des poursuites judiciaires (quelques poèmes sont condamnés). Il prépare néanmoins une nouvelle édition en 1861, et compose plusieurs poèmes en prose. De plus en plus endetté, en proie à des complications nerveuses dues à une syphilis contractée très jeune, Baudelaire voit sa production littéraire se tarir. Il entreprend une série de conférences en Belgique, qui n'obtiennent que peu de succès. En 1866, il subit à Namur une violente crise qui le laisse aphasique, et il meurt, l'année suivante, à Paris, à l'âge de 46 ans.
Baudelaire, incompris en son temps, est proche des parnassiens par son goût de la forme, mais héritier des romantiques par le choix de ses thèmes. Il donne à la poésie une nouvelle orientation en rejetant l'inspiration lyrique, et en libérant l'imagination poétique. Les Fleurs du mal est son œuvre majeure. Il n'a cessé d'y travailler, d'en refondre le plan, et d'y ajouter ou d'en supprimer des poèmes. Les images suscitées par ses vers sont d'une ampleur rare, et jouent comme autant de symboles renvoyant à d'autres images. Elles tissent un réseau de correspondances où tout renvoie à tout, et où, comme il l'exprime dans l'un de ses vers, "Les parfums, les couleurs et les sons se répondent".
Ce procédé donne aux vers de Baudelaire une puissance suggestive qui annonce le symbolisme. De telles images frappent l'imagination, sont capables de faire jouer l'opposition entre spleen et idéal sur de nombreux registres. Ce couple de thèmes, qui donne son nom à la première partie du recueil, est au cœur de la poésie baudelairienne. Le spleen désigne le sentiment d'ennui et de lassitude qui plonge le poète dans une solitude morale. L'idéal est, quant à lui, une quête de pureté en même temps que le rêve d'un ailleurs où tout ne serait que beauté et délectation des sens. Entre ces deux extrêmes, la création poétique jette un pont qui, grâce à l'alchimie du verbe, métamorphose la laideur en beauté, et le mal en quelque chose de grandiose. L'espace géographique que Baudelaire privilégie est la ville. En elle se rencontrent les opposés. Elle peut tout aussi bien renvoyer à l'ennui et à l'angoisse dans un poème, qu'apparaître comme une porte ouverte sur l'idéal dans un autre. Ainsi, dans la foule grouillante peut surgir une passante qui emporte avec elle les rêveries du poète.
La division du recueil en six chapitres suggère un itinéraire au cours duquel le poète cherche à fuir la pesante réalité grâce à l'amour, aux plaisirs, à l'ivresse des "paradis artificiels", et à la débauche. Mais, à la fin du recueil, ne parvenant pas à soulager son mal de vivre, il reste seul face à la mort qui apparaît comme la dernière issue possible. Les poèmes en prose, que Baudelaire n'a pas eu le temps d'achever, sont écrits dans le prolongement de cette veine d'inspiration.
Baudelaire a également apporté à la critique d'art une nouvelle manière de procéder. Il préconise une lecture des œuvres que nous définirions volontiers comme subjective. Le critique doit chercher, dans la peinture, la musique, et les livres qu'il admire, les raisons qui les lui font aimer. Il doit ainsi traquer la nouveauté, les tentatives menées, et ne pas se contenter de juger à l'aune de principes esthétiques établis. Il doit pouvoir sentir la modernité d'une œuvre, ce que lui-même réussit parfaitement à propos des œuvres de Manet, de Cézanne, ou de Wagner.
Œuvres principales :
• Salon de 1845 (1845).
• Salon de 1846 (1846).
• La Fanfarlo (1847).
• Histoires extraordinaires Nouvelles Histoires extraordinaires d'Edgar Poe (traduction, 1854).
• Les Fleurs du mal (1840-1857).
• Les Paradis artificiels (1860).
• Richard Wagner et Tanhauser à Paris (1861).
• Le Peintre de la vie moderne (1863).
• Curiosités esthétiques (publication posthume 1868).
• L'Art romantique (publication posthume 1868).
• Spleen de Paris (publication posthume 1869).
ZOLA (Émile), 1840-1902
Né en 1840 d'une mère française et d'un père d'origine italienne, Émile Zola a grandi à Aix-en-Provence. Il termine ses études secondaires à Paris, et commence comme employé à la librairie Hachette, avant de devenir journaliste en 1865. Il se lance dans l'écriture romanesque et publie Thérèse Raquin en 1867. Dans sa Préface, il définit ce qui deviendra le naturalisme. Influencé par la Comédie humaine de Balzac, Zola décide de rassembler ses romans en un grand ensemble intitulé Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire. Pour mener à bien ce projet, il se livre à un consciencieux travail d'enquête et de documentation. En 1871, il compose La Fortune des Rougon, premier roman de cette fresque sociale qui en comportera vingt. Parmi ceux-là, L'Assommoir, qui paraît en 1877, est le premier à recevoir un accueil remarqué. La naissance du courant naturaliste est consacrée avec cette peinture du monde ouvrier, qui met en scène la déchéance par l'alcool. De nombreux écrivains, dont Guy de Maupassant et Joris-Karl Huysmans, se rapprochent de lui. Leurs réunions ont lieu dans sa villa de Médan, et aboutiront à la publication d'un ouvrage collectif, Les Soirées de Médan, en 1880. Durant cette période, Zola définit plus amplement son esthétique, en particulier dans Le Roman expérimental qui paraît en 1881. Mais, bientôt, le ton socialiste de ses romans conduit certains de ses disciples à prendre leurs distances. Zola poursuit néanmoins sa voie. Dans la droite ligne de ses convictions politiques, il prend parti au moment de l'affaire Dreyfus en publiant un article intitulé J'accuse qui lui vaut d'être poursuivi et condamné pour outrage à l'armée. Il s'exile en Angleterre et ne revient en France qu'en 1899, après la grâce de Dreyfus. Il meurt à Paris trois ans plus tard.
Zola veut créer un univers à partir de l'observation minutieuse de la réalité. Mais, en dépit de ce désir d'objectivité et de fidélité, la fresque des Rougon-Macquart est animée par un engagement qui est également un courant littéraire : le naturalisme. Indépendamment sa dette envers Balzac, Zola est influencé par Claude Bernard et, de manière générale, par les théories des physiologistes qui mettent en relation le physique et le psychologique. Il souhaite, dès lors, illustrer de façon romanesque le rapport du vivant à son milieu. C'est pourquoi la spécificité du projet littéraire de Zola est de donner à ses récits la dimension d'une étude de cas où les êtres humains, avec toute leur hérédité, sont plongés dans un milieu où ils réagissent conformément à un ensemble de facteurs extérieurs. Cette forme de déterminisme fait de personnages comme Nana ou Étienne Lantier les représentants d'un type psychophysiologique humain.
Mais, par-delà cet aspect "scientifique" contestable, Zola fait preuve d'une imagination sans pareille qui lui inspire des scènes d'une forte puissance réaliste. Ce réalisme tend parfois vers le sordide, ce que ses contemporains n'ont pas manqué de lui reprocher. Mais ce traitement presque médical des milieux observés permet de diagnostiquer l'état d'une société, et, par conséquent, d'être d'un grande lucidité. Zola a ainsi su observer comment les transformations sociales, économiques, et politiques de son temps construisent le monde moderne. Le milieu, en devenant de plus en plus complexe et modernisé, mène les hommes et l'Histoire.
Les personnages de Zola sont issus de toutes les classes de la société : ce sont aussi bien des mineurs, des paysans, des petits commerçants, des financiers, que des grands bourgeois. Mais, quelle que soit leur position sociale, ils sont pris dans le temps de la révolution industrielle, de la montée en puissance du syndicalisme ouvrier et du socialisme. Ils participent ainsi au mouvement d'ensemble d'une société en mutation. Et les grand romans que sont L'Assommoir, Nana, Au Bonheur des Dames, Germinal, La Terre, ou La Bête humaine, plongent le lecteur dans cette Histoire en marche.
Œuvres principales :
• Thérèse Raquin (1867).
• Article dans L'Aurore où Zola prend parti en faveur de Dreyfus (1898).
• Fécondité (1899).
• Travail (1902).
LES ROUGON-MACQUART (1871-1893)
• La Fortune des Rougon (1871).
• La Curée (1872).
• Le Ventre de Paris (1873).
• La Conquête de Plassans (1874).
• La Faute de l'abbé Mouret (1875).
• Son Excellence Eugène Rougon (1876).
• L'Assommoir (1877).
• Une page d'amour (1878).
• Nana (1880).
• Le roman expérimental (1880).
• Pot-bouille (1882).
• Au Bonheur des Dames (1883).
• La Joie de vivre (1884).
• Germinal (1885).
• L'Œuvre (1886).
• La Terre (1887).
• Le Rêve (1888).
• La Bête humaine (1890).
• L'Argent (1891).
• La Débâcle (1892).
• Le Docteur Pascal (1893).
MALLARMÉ (Stéphane), 1842-1898
Stéphane Mallarmé est né à Paris en 1842. Il perd sa mère à l'âge de cinq ans et vit une enfance assez triste qui le fait aller de pensionnat en pensionnat. Il devient professeur d'anglais en 1863 et exerce dans plusieurs villes de province, mais traîne avec lui, durant toute cette période, un mal de vivre. Ses premiers poèmes paraissent en 1866 dans Le Parnasse contemporain, et sont marqués par l'influence de Baudelaire à qui il reprend les thèmes de l'ennui et de l'angoisse éprouvés face à une réalité monotone. En 1871, il est nommé à Paris au lycée Fontanes. Il traduit les poèmes d'Edgar Poe, puis compose deux œuvres : Hérodiade, poème initialement conçu comme un drame, et L'Après-midi d'un faune, où se dégagent une forme poétique plus personnelle. Il publie, en 1883, Les Poètes maudits qui obtient un certain succès d'estime. En 1884, Huysmans fait, dans son roman À Rebours, une apologie de la poésie de Mallarmé. Cet événement contribue à le rendre célèbre et à rassembler autour de lui de nombreux écrivains, dont Paul Valéry et André Gide, qu'il reçoit le mardi dans son appartement parisien. Dès lors, le ton de ses œuvres devient plus personnel, et son écriture énigmatique prépare le symbolisme. Il publie en 1887 ses Poésies complètes et conçoit le projet d'écrire le "Livre" absolu. Cette recherche poétique, qu'il conçoit lui-même comme "orphique", c'est-à-dire initiatique, donnera naissance à son poème le plus singulier Un coup de dés jamais n'abolira le hasard qui paraît en 1897. La même année, il rassemble, dans les Divagations, l'essentiel de ses articles portant sur l'art poétique, mais il meurt peu de temps après.
Celui qui fut appelé le "prince des poètes" est l'auteur d'une œuvre qui laisse le profane perplexe, tant sa profondeur est parfois impénétrable. Sa poésie de maturité s'adresse à un public choisi. Elle est l'accomplissement d'un itinéraire artistique conçu comme une perpétuelle recherche : faire pénétrer le sacré dans la poésie. Or le sacré est, dans son origine même, symbolique. Aussi la phrase, souvent brisée par des injonctions et des images semblant venir d'ailleurs, multiplie-t-elle les interprétations possibles. Elle s'ouvre ainsi à une signification multiple en même temps qu'elles tente d'atteindre la puissance d'évocation la plus pure. Ainsi, lorsque le poète écrit, pour reprendre le propre exemple de Mallarmé, le mot "fleur", la signification de celui-ci excède telle ou telle fleur. Car le mot draine avec lui l'universalité de ce qu'il signifie, et c'est "l'idée même" qui est évoquée.
Que ce soit en recourant à la forme du sonnet, ou en travaillant la prose, la poésie de Mallarmé se déploie sur fond d'idéalisme. Hanté par le désir d'accéder, grâce aux vers, à l'Idée et à l'essence des choses, le poète se fait l'artisan d'une poésie hermétique. Les vers tentent de créer une musicalité nouvelle qui redonne aux mots leur puissance originelle. L'emploi de mots rares et l'introduction, dans une syntaxe déjà complexe, de glissements sémantiques et d'incohérences, cherchent à susciter l'impression elle-même. Aussi les phrases et les vers font-ils entrer peu à peu le lecteur dans le travail poétique lui-même. Les mots y jaillissent comme pour témoigner d'une lutte contre le vide de la page blanche, et remplissent l'espace du seul écho de leur sonorité. Le dernier poème de Mallarmé, Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, illustre bien cette lutte contre le Néant. La disposition typographique éclatée appelle le lecteur à découvrir par lui-même le sens qu'il veut accorder aux vers. Ainsi, il participe à cette quête infinie qui vise à percer le mystère des choses et des lois qui régissent le monde. Avec Mallarmé, l'évocation poétique se transforme en invocation. Cette ambition inspirera toute la poésie moderne.
Œuvres principales :
• Igitur ou la Folie d'Elbehnon (1867 à 1870, posthume 1925).
• L'Après-midi d'un faune (1876).
• Les Poètes maudits (1883).
• Album de vers en prose (1887).
• Les Poésies de Stéphane Mallarmé (1887).
• Pages(1891).
• Vers et Prose (1893).
• Divagations (1897).
• Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (1897).
MAUPASSANT (Guy de), 1850-1893
Guy de Maupassant est né en Normandie, au château de Miromesnil, à Turvilles sur Arques, en 1850. Il fait de solides études, puis part faire la guerre en 1870. À son retour, il est employé au ministère de la Marine. Dirigé par Gustave Flaubert qui corrige durement ses premiers écrits, il compose aussi bien des poèmes que des contes ou des pièces de théâtre. C'est à l'occasion de la publication de Boule de Suif en 1880, dans l'ouvrage collectif Les Soirées de Médan, que Maupassant se fait connaître et se démarque du groupe des naturalistes. Son succès l'encourage à travailler la forme du conte, et il parvient désormais à vivre de sa plume. Il entre alors dans une période d'intense production littéraire en écrivant quelque trois cents contes et six romans en l'espace de dix ans. Ses premières nouvelles témoignent de l'influence du courant naturaliste, mais le ton se fait bientôt de plus en plus personnel, et empreint d'une vision pessimiste et angoissée du monde. Sujet à des troubles nerveux probablement dus à une syphilis, il est d'abord en proie à des hallucinations, puis à un délire qui le conduit à être interné en 1891. Il meurt dix-huit mois plus tard.
L'œuvre de Maupassant est d'un pessimisme rare. D'un bout à l'autre, elle conteste tout ce qui peut laisser espérer un progrès. Que ce soient la science, la religion, ou encore la nature humaine, ou l'art, tout fait l'objet d'une impitoyable remise en question. Quel que soit le milieu dont sont issus les personnages des contes, ils sont toujours fortement typés et animés par une volonté de puissance qui fait de la condition humaine une perpétuelle lutte.
Le ton utilisé par Maupassant pour dresser ce tableau assez sombre va de l'ironie la plus cruelle au constat compatissant d'une existence désolante. C'est le cas, par exemple, du conte intitulé Une vie où Jeanne, une jeune fille sentimentale, est conduite à la folie par les agissements égoïstes de son mari et de son fils. Alors que les contes des années 1880 ont plutôt pour cadre la Normandie de son enfance, le goût de Maupassant pour le morbide est de plus en plus flagrant dans ses dernières œuvres, ce qui ne va pas sans laisser penser à une influence de sa maladie sur son écriture.
Ce pessimisme est accentué par la sobriété de son style. Le conte trouvant son efficacité dans sa forme ramassée, l'intrigue est rapidement mise en place. L'environnement des personnages est défini de façon sommaire et sert de décor à l'action. Un événement vient bouleverser le cours ordinaire des choses et ouvre sur une fin le plus souvent tragique. Même lorsque le récit se concentre sur le délire d'un personnage, Maupassant parvient à conserver l'intensité dramatique jusqu'à la dernière page en ne délivrant pas de fin rassurante. Le Horla, par exemple, se présente comme un journal relatant le sentiment de persécution de son auteur, mais le récit s'arrête brusquement, laissant penser que le héros a sombré dans la folie.
Maupassant semble ainsi être à la rencontre de deux influences : d'une part, le naturalisme, qui donne à son écriture cette véracité expressive, et, d'autre part, le fantastique, particulièrement présent avec le thème de la folie qui fait vaciller le réalisme dans un genre qui lui est pourtant éloigné. La conjugaison de ces deux influences conduit à la fois à empêcher le lecteur de s'identifier aux personnages, mais également à le submerger dans l'intrigue en suscitant en lui un sentiment de profond malaise. En cela, les contes de Maupassant font preuve d'une maîtrise parfaite de la technique du conteur. C'est sans doute pourquoi ils ont fait l'objet d'un grand nombre d'adaptations cinématographiques.
Œuvres principales :
Recueils de contes
• La Maison Tellier (1881).
• Mademoiselle Fifi (1882).
• Contes de la bécasse (1883).
• Toine (1885).
• Le Horla (1887).
• Le Rosier de Madame Husson (1888).
Romans :
• Une vie (1883).
• Bel-Ami (1885).
• Pierre et Jean (1888).
• Fort comme la mort (1889).
RIMBAUD (Arthur), 1854-1891
Arthur Rimbaud est né à Charleville en 1854. D'un naturel révolté, il trouve dans la poésie un refuge à l'autorité inflexible de sa mère. Encouragé par son professeur, Georges Izambar, qui admire en lui l'élève surdoué, il compose ses premiers poèmes à l'âge de seize ans. En 1871, il fugue vers Paris, connaît quelques déboires et retourne à Charleville. Mais, il ne tarde pas à repartir une nouvelle fois vers Paris. Là encore, il ne peut rester plus de quinze jours et retourne dans sa ville natale. De plus en plus rebelle, il s'enthousiasme pour les insurgés de la Commune. Dans la lettre à Paul Démeny du 15 mai 1871, que l'on appelle également la Lettre du Voyant, il annonce ce qui va devenir sa démarche poétique qu'il inaugure quelques mois plus tard en écrivant Le Bateau ivre. À l'invitation de Paul Verlaine, Rimbaud part pour Paris et s'installe chez lui. Leur relation passionnée durera deux ans, les conduira en Belgique et à Londres, et s'achèvera tragiquement en 1873 : Verlaine tire un coup de revolver sur Rimbaud et le blesse. Durant cette période troublée, Rimbaud compose Une saison en enfer, sorte d'autobiographie poétique qui s'achève par un adieu à la littérature. Mais il ne cesse pas pour autant d'écrire et il compose, jusqu'en 1874-1875, les Illuminations où il renouvelle son langage poétique et crée un nouvel univers d'images parfois empruntées au réel, parfois issues de son imagination hallucinée. Après ce recueil, Rimbaud abandonne la poésie et part mener une vie d'aventurier : il s'engage dans l'armée hollandaise, déserte à Djakarta, voyage en Europe avec un cirque, fait des expéditions en Éthiopie et en Somalie, ou encore du trafic d'armes en Abyssinie. Mais, souffrant d'une tumeur à la jambe droite, il revient en France en 1891, où il est hospitalisé à Marseille. Il est amputé, cela n'enraye pas la maladie, et il meurt quelques mois plus tard.
Rimbaud est un écrivain solitaire et révolté, animé, entre sa quinzième et sa vingtième année, par l'ambition de donner à la poésie un nouveau regard. Son "Je est un autre" différencie d'emblée celui qui écrit de celui qui délivre une parole poétique. Il ouvre par là même la possibilité d'un regard étranger à la réalité, d'un refus du monde permettant de construire un nouvel univers. Si, comme il l'écrit dans la Lettre du voyant, "le poète est un voleur de feu" et s'il "se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens", sa création passera alors par des expériences extrêmes. Dans le prolongement de Baudelaire, en qui il voit "le premier voyant" il établit de nouvelles "correspondances", et de nouvelles interférences entre les perceptions et les souvenirs. Les sensations se mêlent aux envolées de l'imaginaire et font de cette révolte prométhéenne le moyen de porter son regard par-delà le voile de la réalité, afin de plonger dans un monde déformé par le jeu des sensations.
Il s'agit pour donc, pour Rimbaud, d'inventer un nouveau langage poétique, puisque ceux qui existent ne peuvent pas contenir une telle impétuosité. Il passe alors de l'utilisation de vers réguliers dans ses premiers poèmes, à la prose poétique. La naissance de cette nouvelle forme est en étroite relation avec la volonté de faire reprendre à l'imagination ses droits. Le langage, affranchi des règles de versification, invite le lecteur à découvrir, dans les mots, des symboles à décrypter, et, dans ces symboles, des sensations qui transgressent les perceptions ordinaires. Le poète devient ainsi un visionnaire faisant des images qu'il crée des enluminures et des hallucinations. Que ce soit dans Une saison en enfer ou dans les Illuminations, Rimbaud opte pour un vocabulaire peu usité et élabore des métaphores établissant des rapprochements vertigineux entre les choses.
Alors qu'il est resté pratiquement inconnu de son vivant, Rimbaud a été redécouvert par les symbolistes, puis les surréalistes, qui ont vu en lui un précurseur. Sa fougue poétique est fondatrice de la poésie moderne, et les innombrables analyses que ses poèmes ont suscitées ne sont pas parvenues à percer le mystère de cette imagination envoûtante et insondable, qui est à l'image d'une existence pour le moins singulière et, pour tout dire, unique dans le monde des Lettres. Cet abandon brutal et définitif de la littérature est resté sans autres exemples.
Œuvres principales :
• Poésies, vers nouveaux et chansons (1870-1872).
• Une saison en enfer (1873).
• Illuminations (1872-1875).